En 2021, les créations d’usines ont fortement augmenté en France, avec un solde positif de 120 usines nouvelles (176 créations et 56 fermetures) note Trendeo dans son bilan 2021, intitulé « une année record ».
Après avoir été affaibli par des années de désindustrialisation, ces chiffres illustrent s’il en était besoin, que les industriels remontent petit à petit la tête : le coq de la « French Fab » chante un peu mieux..
Une belle performance amorcée depuis 2015 dans le paysage industriel Français,

Maux et facteurs clés de désindustrialisation
Au delà des débats sur des mesures politiques plus structurelles (droit du travail, fiscalité, politiques territoriales,..), les sites industriels ou les industriels ont souffert de plusieurs maux:
•un écart important entre les lieux de production/ lieux de consommation
•un sous investissement dans l’outil de production avec une vision plutôt grandes séries
•des cartes de compétences inadéquates ou mal réparties géographiquement au regard de la localisation de sites industriels dans le pays ( plus présents dans des zones à faibles densité)
•un parc machines parfois vieillissant, n’intégrant pas toujours les opportunités de l’industrie du futur, tant en production qu’en conception (digitalisation, IA, équipements modulaires, jumeaux numériques,…)
• des sites plus faiblement robotisés avec un manque d’innovation et de Recherche et Développement.
L’ensemble de ces points impactent bien entendu différemment les industries selon leurs caractéristiques et leur perspectives.
La désorganisation récente des chaînes de production a également fait fortement ressortir un niveau élevé de vulnérabilité des industriels ayant résisté à cette vague, de leurs réseaux de valeur, notamment lié à un système industriel tentaculaire à flux tendu et dans les processus d’assemblage de composants.
Réindustrialiser fait consensus mais comment la mener à bien ? et surtout pourquoi faire et avec quels objectifs?

Ce qui définit l’industrie, c’est la performance de la production / une approche plus artisanale permettant à la fois la réalisation d’économies d’échelle et des gains de productivité, tout en assurant l’application du progrès technique.
Préalables indispensables
- Expliciter les objectifs des politiques de réindustrialisation, notamment sur les secteurs de spécialisation à développer.
- Cibler les bonnes approches et instruments en cohérence avec des actions d’autres politiques (compétences, aménagement territoire, articulation RetD et innovation durable, transition écologique et neutralité carbone,…).
Mais quel est le sens de cette réindustrialisation ?
•Assurer un rattrapage ?
Cet objectif implique des actions de modernisation et ce type d’approche raisonne uniquement sur « récupérer » des activités qui sont parties et cela à « isopérimètre » (relocalisation pure d’activités). Hors l’industrie bouge et le choix de produits critiques ou stratégiques est alors à prendre en compte pour éviter des approches d’usines tournevis ou des usines purement opportunistes.
•Investir dans des secteurs d’avenir ? Prendre de l’avance?
Cela implique de préparer le coup d’après et de trouver les créneaux du futur. En cette matière le choix est large : IA, mobilité, énergie, agriculture, espaces, environnement,…. Cela nécessite de trouver les bons axes, de laisser les entrepreneurs exploraient les voies du futur tout en évitant en évitant les syndromes de la grande époque des plans théoriques pas assez ancrés dans le concret, du Concorde ou de Bull !
Les actions à décider doivent recherche l’équilibre le plus favorable pour le secteur concerné entre type de fabrication et type d’usines, les conditions d’exploitation et l’énergie nécessaire, l’organisation des flux industriels et les services associés .

Après plusieurs années d’approches industrielles basées sur des coûts logistiques et d’énergie faibles, en stratégie, les industriels doivent maintenant de plus en plus raisonner avec une vision européenne plus affirmée et des partenariats renouvelés.
Une réindustrialisation adéquate doit apporter des réponses à plusieurs questionnements :
- Comment prendre en compte dans les approches le niveau de maturité du secteur? De la technologie cible et de verrous à lever ? des usages à adresser?
- Quelle valeur donner aux choses produites ?
- Comment gérer les transitions? Et décarboner? Quels outils favoriser, adaptables ou gérants du volume ?
- Comment faire face à la perte de compétences pour pouvoir évoluer et engager des parcours gagnants en interne et pour le territoire ?
Se donner des perspectives collectives
En premier lieu, il faut identifier les secteurs industriels en priorité à réindustrialiser ? Quels avantages leur donner par rapport aux services ? Quels types d’association de savoir-faire dans de nouveaux business model?
Cela suppose une prise de conscience des dépendances sur le terrain, par exemple vis-à-vis du numérique en terme de souveraineté.
•En terme de cible de performance attendue, deux éléments sont clés :
- Recherche de production bas carbone et de bonne intégration dans l’environnement : pour les industriels, cela peut signifier une optimisation de leur portefeuille avec réallocation des investissements, compte tenu de contraintes industrielles, avec peut-être des cessions de sites en difficultés à accompagner.
- Une recherche de performance sur tous les domaines, dont il faut calculer le niveau en intégrant les externalités positives et négatives, l’impact environnemental et la RSE pour positionner l’industrie sur le long terme dans son territoire: adéquation aux usages, supply chain résiliente, approche de production / recherche d’emplois de qualité, intégration dans son territoire,… .
Dans tous les cas, il faut que ces industries puissent rester compétitives sur des tailles de séries adaptées, avec une forte personnalisation par usage client, favorisent une meilleure maîtrise des cycles de vie (concevoir, produire, recycler, réparer, réutiliser,…), intègrent la dimension management de la donnée et les technologies de demain, et enfin prennent en compte le risque de dépendances (à des zones géographiques ou des natures de fournisseur).
Cet équilibre implique un consensus sur le projet de société que l’on veut à terme. Quelques règles pour co-construire ce projet :
– ne pas oublier le rôle du citoyen consommateur qui s’est habitué à des standards portés jusque là par les grands acteurs du marché : souvent il souhaite retrouver ce niveau de qualité dans le tissu économique territorial.
-avoir de la volonté pour poser ou non de nouvelles modalités de coopération entre acteurs, notamment entre donneur d’ordres et sous-traitant, PME/ETI / grand groupes, public/privé.
– arbitrer des décisions claires en terme de composition cible de son capital industriel
-assurer les investissements via un capital investissement actif dans les territoires ainsi que favoriser des opérations à forte valeur ajoutée de transmission à des repreneurs, porteurs d’accélération du projet ou d’enrichissement de celui-ci via des approches industrielles renouvelés.
– et enfin une modification des pratiques tant des décideurs que des entrepreneurs, à la fois sur les approches stratégiques mais aussi sur les pratiques territoriales et nationales dans le support aux industriels apporté par l’écosystème (ciblage des subventions, accompagnement en terme de Rhs et d’infrastructures, délai d’autorisation,…)
Une course de vitesse est d’ores et déjà engagée, qui nécessite une approche hybride. Nous avons beaucoup d’atouts pour y arriver, à condition de forger des consensus sur les modalités de cette réindustrialisation afin de favoriser des coopérations fertiles.
pour en savoir plus :
Désindustrialisation https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/desindustrialisation-toute-la-france-est-responsable-selon-nicolas-dufourcq-directeur-general-de-bpifrance_5166781.html
Plan de relance 2030 : https://www.gouvernement.fr/actualite/france-2030-un-plan-d-investissement-pour-la-france-de-demain
Un bel exemple en région Hauts de France de relocalisation : https://www.safilin.fr/safilin-pour-lamour-du-lin/