Paradoxes à relever dans les transformations en cours – 3 et 4 : créativité versus innovation et hasard versus nécessité

Les paradoxes 3 et 4 sont très liés, je me propose donc de les traiter au sein d’un même article.

Créativité versus innovation : souvent dans les démarches de transformation et dans la prise en compte des événements vécus en termes de mutations apportées notamment par le Digital, je constate qu’une partie des acteurs confondent souvent créativité et innovation en pensant que la créativité génère forcément quelque chose d’innovant et que l’innovation passe forcément par une créativité forte de l’ensemble des acteurs.

Il faut impérativement considérer qu’il y a une vraie différence de nature entre créativité et innovation. Il est tout à fait possible de laisser la créativité s’exprimer mais pour qu’elle se transforme en innovation, il faut que le facilitateur puisse faire converger les différentes idées émises (plus il y en a, mieux c’est d’ailleurs) pour évaluer leur caractère potentiellement innovant. Cette étape permet du coup d’innover véritablement avec des actions convergentes vers un résultat commun.

C’est une question d’équilibre à trouver entre divergence (potentiellement mais pas uniquement aidée par la créativité) et émergence du « nouveau » en rupture (qui peut émerger sans créativité). Il faut dans tous les cas , créer les conditions propices pour que l’imprévu puisse surgir et être saisi.

Plusieurs questions se posent alors et chaque organisation ou situation doit y apporter sa propre réponse :

Comment diverger fortement de ce qui se pratique déjà pour in fine converger vers un réel processus d’innovation ?

Est-il possible d’ailleurs d’intégrer de l’innovation sous contrainte ?

La spontanéité, me direz-vous, ne peux pas se mettre sous contrainte mais mes retours de pratiques montrent qu’une démarche complètement ouverte peut tout aussi bien brider l’émergence de l’innovation. : le cadre posé, le mode de regard apporté et partagé, les esprits préparés ou non à repérer les signaux faibles et à adopter une posture autre que la leur, le respect apporté aux contributions de uns et des autres, l’absence de jugement pendant la période de divergence mais une vraie évaluation en période de convergence avec de vrais Feedbacks réguliers sur ce que l’on intègre ou pas dans le processus d’innovation est tout aussi clé que la créativité à l’état pur pour la réussite ou l’émergence d’une nouvelle pratique. .

Hasard versus Nécessite : L’innovation semble parfois sortir du hasard, être le fruit de rencontres ou de déclics « improbables ».

Pour le susciter, les organisations ne doivent pas hésiter à fonctionner en mode itératif, à favoriser les interactions entre individus sans jugement préalable et être en capacité detransformer les organisations pyramidales en équipes projets voire en communautés temporaires qui interagissent mais avec des règles de fonctionnement très clairs en terme d’arbitrages et d’évaluation pour sécuriser et favoriser les contributions nécessaires à la réalisation.

Les questions qui se posent alors pour organiser les approches autour des dispositifs pour innover sont :

Les individus ou le collectif de travail peuvent-ils être préparés à tirer profit du Hasard?

Est-il du coup facile pour les organisations d’apprivoiser le hasard?

Commençons par définir ce fameux Hasard à apprivoiser ? Wikipedia nous dit que l’on attribue l’origine du mot hasard à l’arabe « al-zahr » signifiant à l’origine « dés » avec la signification de « chance » ou de « jouer aux dés » et désigna très concrètement jusqu’au XII ième siècle un jeu de dés. Par métaphore, tous les domaines relevant de la « science de la Chance » sont concernés (Averroès). Bigre comment apprivoiser un dé !

Les hommes ont toujours essayé de trouver une manière de le faire ou d’expliquer que la chance pouvait être de leur côté. De temps en temps, ils déléguaient l’exercice de cette chance à l’extérieur d’eux-mêmes laissant une certaine forme de hasard agir en comptant tour à tour sur des communautés, des parrains et/ou des mentors plus ou moins officiels et plus ou moins ouverts et/ou scrupuleux. Pour expliquer certaines turpitudes, il y en a même qui prétextait que la chance les avait quittés.

Quelles réponses ou approches du hasard et de la chance a-t-on à notre disposition ? Les philosophes très divisés sur ce sujet professent que tout cela était joué d’avance par un déterminisme absolu où le hasard n’avait pas de place ou à l’inverse développent une vision où seul le hasard détermine le parcours de vie. De leur côté, les mathématiciens expliquent grâce à la loi des grands nombres et de probabilité que le hasard peut sur un nombre de tirages importants être estimé à une chance sur deux, ce qui n’est déjà pas si mal.  Les grecs,quant à eux, s’amusaient des vicissitudes de la vie qu’ils expliquaient essentiellement par l’ennui des dieux de l’olympe et à leurs manies de tuer le temps sur le dos des pauvres mortels. Ils s’amusaient d’ailleurs comme des fous en se jouant du hasard, préfigurant ainsi le côté Fun, qui ne doit jamais être négligé pour s’attirer les bonnes grâces du hasard même s’il peut aussi être cruel.

De nos jours, ce sont certains robots ( Pardon algorithmes dits « IA faible » liés ou non avec du Big Data) qui décident de temps en temps en leur âme et conscience si j’ose dire, de ce que le hasard vous fournit. Heureusement, même Google peut faire arriver de temps en temps par hasard une donnée essentielle pour aider la chance ou au contraire peut jouer un peu au dictateur très lucratif pour lui pour vous proposer des contenus souvent peu en lien avec votre quête, ce qui vous plonge d’ailleurs souvent dans une perplexité absolue (si si, je vous ai vu lire les résultats de votre dernière requête!!).

Bref, tout le monde essaie de conjurer le sort d’une manière ou d’une autre pour apprivoiser ce fameux hasard ou le mettre à son service. (par exemple les experts du référencement).

Alors le hasard un allié ou un ennemi? Voire apparaître des éléments non contenus dans les éléments observés ou utilisés initialement (pour faire chic, dite innovation par « sérendipité »), est selon certains la seule voie qui peut faire émerger l’innovation en s’appuyant sur la magie spécifique d’une émergence spontanée. Du coup, dans ce cas le hasard est un allié, une sorte de hasard heureux dont tout le monde profite. D’autres font remarquer que pour que ce hasard soit heureux ou existe même, il est nécessaire que les esprits y soient préparés pour ne pas passer à côté et que les modes de conseil et d’accompagnement mis en place soit à la fois pertinents et cohérents avec votre culture pour « booster » vos capacités à le saisir et à la faire fructifier.

Par contre sur certains sujets, si l’enjeu est très fort, tout le but du processus d’innovation sera peut-être de trouver les moyens de limiter le hasard au maximum (et donc de l’appréhender) pour limiter la prise de risque, tout en accompagnant au mieux les facteurs inconnus.

Aider le hasard est donc la première nécessité pour pouvoir innover ou modifier ses pratiques actuelles.

Aucune des explications mathématiques ou philosophiques ne suffira à faire pencher la balance de votre côté.  Seule votre propre appréciation de l’influence du hasard dans votre vie ou encore de ce que vous avez décidé de prendre en compte vraiment déterminera si le hasard sera pour vous un allié ou un ennemi. Dans tous les cas, il faut rester l’œil ouvert pour ne pas passer à côté d’opportunités porteuses.

Pour conclure, le hasard vous devez l’apprivoiser au fur et à mesure en alternant des phases de créativité, de structuration, d’exploration, de grandes ouvertures et de mises sous contraintes, des approches collaboratives et des approches plus directives, des inputs individuels et des échanges collectifs, des personnes du métier et des usagers, des originaux et des imaginatifs et des personnes concrètes ou d’exécution.

Le point clé est de donner un sens à la démarche favorisant inter-actions et diversité de points de vue et surtout de bien gérer le processus dans son entièreté pour nourrir régulièrement votre cycle de transformation (de l’amont jusqu’à l’aval de l’innovation et du changement qui doit être associé).

Alea jacta est , « le sort en est jeté », comme disait notre bon vieux Jules César avant le passage du fleuve Rubicon……

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