Le « Collaboratif », notion très utilisée dans les stratégies d’entreprise.
Je me propose d’essayer d’éclairer cette notion qui est souvent utilisée sans percevoir ce que cela implique en terme d’organisation ou de pré-supposé.
Selon ce nouveau pivot managérial, les personnes se doivent d’entrer en mode collaboratif et contribuer à un objectif commun. Ils sont alors devenus des « partenaires mais temporaires » par rapport à leur fonction habituelle.
Selon Wiktionnaire : Collaborer est une pratique « qui associe de nombreuses personnes en vue de réaliser des projets, des recherches […] qui ont une finalité commune ».
Cela serait donc une association temporaire pour un objectif commun. La question qui se pose alors est avec quel état d’esprit entrer dans ce « mode partenarial collaboratif » :
Ces « partenaires temporaires » cherchent-ils comme le laisse entendre l’étymologie latine « partitio » « une part du butin que chacun s’octroie », ce qui sous-tend la nature conflictuelle latente du collaboratif ? Ou cherchent-ils à « Jouer ensemble » comme le sens utilisé habituellement pour parler des membres d’une équipe de sport?
A noter que le mot partenaire lui-même n’est entré qu’en 1985 dans le dico, c’est dire.
Permettre à deux parties prenantes d’unir leurs efforts pour accomplir un objectif commun
Compte tenu du grand écart toujours possible entre les deux sens évoqués plus haut cela ne se s’improvise pas sous peine de nourrir des efforts dispersés assez ravageurs en termes d’organisation.
Plusieurs conditions pour que cela puisse se mettre en place : établir un pacte fondateur et partager une histoire commune (« communauté de destin »),
assurer un niveau d’intégration ou de confiance réciproque traduite en modalités de travail et/ou d’échanges définis,
enfin assurer un respect des règles du jeu relationnel discutés et partagés en amont.
Cela s’approche de la définition d’une véritable plate-forme collaborative de travail, souvent implicite dans les organisations performantes et remises au goût du jour par la grâce du numérique.
L’utilisation sur le terrain : et chez vous le collaboratif ?
Je parie que cela ressemble plus à un jeu d’acteurs avec des ajustements successifs souvent conflictuels à discuter et parfois discutables liés à des prises de décision molles, voire consensuelles au sein de communautés entrecroisées, variables et en décalage avec votre organisation interne. Le collaboratif ou le partenariat gagnant-gagnant achoppe souvent sur le manque de cadre adapté pour qu’il se déploie correctement.
Ce point est autant d’invitations à penser le collaboratif et/ou le partenariat dès l’élaboration de sa stratégie et de son déploiement.
Indépendamment de l’excuse du manque de temps, de la faible proximité culturelle, de valeurs et/ou de savoir-faire des parties prenantes, voire d’incompatibilités supposés ou non d’agendas liés à des contraintes professionnelles et/ou personnelles élevées, le collaboratif nécessite que chacun de ses membres puissent savoir comment contribuer et sous quelles formes et en quoi cela va contribuer au sens de son positionnement dans la structure et à la réussite de la stratégie.
Face à ces difficultés, le naturel revient souvent au galop et un retour aux phénomènes de production individuelle additionnée plutôt que des phénomènes de coproduction au sein d’une même équipe même temporaire est inévitable.
De facto, au fur et à mesure de l’arrivée des dates rouges et compte tenu de la réelle difficulté de coproduction, chacun finit par fonctionner de son côté (le retour de l’île « silo » très confortable dans lequel chacun a ses propres repères), y compris dans les entreprises libérées et/ou dans les start-ups.