Nouveaux Concepts : « L’entreprise libérée »

Il en est des paradigmes stratégiques* comme des plaques tectoniques… chacun cherche à recouvrir le précédent…..En stratégie, cela prend la forme de vagues fortes charriant de nouveaux concepts ringardisant les précédents.  La plaque tectonique actuelle n’échappe pas à la règle…..

Ainsi, l’entreprise se doit d’être « Libérée » « Collaborative» et « Digitale » .

L’entrepreneur est un « Leader» providentiel et Porteur de vision doté d’une dose d’innovateur », d’une envie d’être en « rupture » et se doit d’être un lanceur  d’expérimentations.

Bien sûr, il doit développer aussi une vraie posture et travailler son « Business Canvas ».

Un pitch de 7 minutes, une « proposition de valeur » en 10 mots qui raconte une « vraie histoire » à raconter et à vivre à pleine dent.

Il faut dans tous les cas faire vite le « minimum viable mais surtout visible » pour le communiquer comme une « rock star » …

La concurrence chère à Porter devient en fonction du moment une « coopération compétitive » ou une « compétition coopérative » pour développer un véritable « réseau de valeur » si possible dans un « océan bleu ». 

Bref, en ce moment, cela décoiffe en termes de créativité !!  Ce premier billet se propose d’entamer une série d’articles visant à aborder un à un chacun de ces concepts pour nous aider à les remettre en perspective et en illustrer les usages possibles en matière de stratégie…..Commençons ce voyage, par la fameuse Entreprise libérée. 

 Popularisé en France par  Isaac Getz et Brian M. Carney à travers leur ouvrage Liberté et CIE publié en 2012 en France mais dès 2009  dans sa version anglaise.

Pour les tenants de ce concept, l’entreprise doit avoir 3 objectifs:

 

  • Libérer les collaborateurs de la hiérarchie et du contrôle pour leur rendre la responsabilité du résultat de leur travail tout en leur donnant la capacité de s’organiser librement.

 

  • Permettre aux collaborateurs de viser des finalités tout en laissant complètement autonome sur la façon d’y arriver.

 

  • Booster la performance de l’entreprise grâce aux innovations qui émergent via les personnes libérées qui prennent ainsi d’elles mêmes des initiatives en respectant leur rythme de travail.

 

Les entreprises non libérées seraient uniquement concentrées sur le « comment » et sur « la maîtrise des personnes ».

Les entreprises libérées seraient quant à elle concentrées sur le « Pourquoi » en travaillant sur « le système lui même » pour le rendre à même de développer l’autonomie et l’auto-organisation des équipes.

I. Getz indique que dans la mesure où les collaborateurs se considèrent « intrinsèquement égaux, sans hiérarchie, ni titres, ni privilèges et qu’on les laisse se motiver eux-mêmes. », ils contribuent d’autant plus à la réussite collective de l’entreprise.

Concrètement sur le terrain en Hauts de France, un retour d’expérience bien connue concerne la fonderie picarde FAVI qui travaille pas mal pour l’automobile, J.-F. Zobrist fut un pionnier pour expérimenter cette organisation dés les années 80. Il parle de son état d’esprit avant de choisir cette approche en ces termes :

« Je réagissais par la contrainte, les notes de service ou la sanction, sans me rendre compte que je mettais le reste des salariés en prison, ce qui privait l’entreprise de son intelligence collective. »

« La confiance est beaucoup moins chère que le contrôle »

Les exemples de terrain ont concerné très vite des unités de production entre 40 et 50 personnes. Dans les filières industrielles, le fait de travailler des séries plus courtes et la complexification des problèmes à résoudre fut un puissant aiguillon pour développer l’autonomie forte des opérateurs. l’organisation permet d’ assurer un auto-contrôle direct par les collaborateurs eux même en charge de la réalisation. Les mécanismes mis en place tournent autour de la confiance et une reconnaissance adaptée des efforts fournis.

Plus d’information sur ce cas ici  FAVI- une usine sans chefs

Pour vous aider à identifier les approches de ce type, voici les 7 principes identifiés par L’ANACT (association nationale pour l’amélioration des conditions de travail) pour qu’une entreprise soit libérée. 

  1. Une capacité d’écoute des dirigeants pour prendre en compte les retours et adapter en permanence le système de l’entreprise.
  2. Une organisation avec des salariés soucieux du client, de leur entreprise et « solidaires » de leurs collègues,
  3. Un système qui offre une liberté aux salariés notamment pour organiser leur travail comme moteur de motivation et de créativité,
  4. L’entreprise se doit de développer des valeurs communes pour réussir une adhésion de tous à la culture de l’entreprise,
  5. Une disparition au fur et à mesure de la hiérarchie pyramidale et du contrôle, des symboles de privilèges, des horaires imposés,
  6. Une organisation qui applique le principe de subsidiarité : les salariés sont légitimes à prendre des décisions sur ce qui les concernent et les problématiques doivent être auto organisées au bon niveau pour les régler.
  7. Un des pré-requis du côté des collaborateurs est d’être en phase avec la stratégie de l’équipe dirigeante et de pouvoir développer des compétences en adéquation avec les attendus du métier.

Frederic Laloux un ancien de Mc Kinsey devenu coach a popularisé dans son livre reinventing organizations  les pratiques autour de ce nouveau mode de fonctionnement dit Holocratique,

En synthèse, la philosophie d’une entreprise libérée en terme d’organisation est la suivante:

Il y a inversion de la présomption de gouvernance: c’est donc aux dirigeants et aux managers de libérer le leadership de leurs salariés, en construisant un environnement dans lequel ces derniers se motivent.

« Chaque salarié peut se révéler ambitieux et motivé, et peut développer son « plein potentiel » grâce à plus d’autonomie, de responsabilisation et de valorisation de soi »

A noter que ce concept a quelques fondements issus de l’Ecole de Relations Humaines des années 30 qui débattaient alors sur le taylorisme.

Quel que soit le niveau de »libération » vécu dans votre entreprise, cette notion est une invitation à retravailler dans les stratégies le lien entre le Hiérarchique et le collaboratif, entre l’autorité et l’autonomie individuelle, entre la direction verticale et la direction d’impulsion, entre le directif et le participatif. 

La complexité des organisations actuelles pour l’ensemble des dirigeants vient également du fait qu’à l’ère du digital, ces questions se posent aussi au delà de l’entreprise dans son écosystème. Ce dernier point illustre l’importance du réseau de valeur à mettre en place (notion sur laquelle nous reviendrons).

* Un paradigme = une représentation du monde, une manière de voir les choses, une modélisation reposant sur une matrice disciplinaire, un modèle théorique représentant en général un courant de pensée (wikipedia).

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